« Mes performances sont devenues des prises de parole silencieuses, mais percutantes.» — Chantal Petitclerc, pionnière du parasport francophone
En quoi les Jeux de la Francophonie ont-ils marqué votre parcours d’athlète ?
Les Jeux de la Francophonie occupent une place très spéciale dans mon parcours. J’y ai remporté trois médailles d’or : deux en 1994 en France, et une en 2001 à Ottawa. Mais ce qui m’a marquée, c’est leur atmosphère unique. Dans un monde sportif largement dominé par l’anglais, ces Jeux étaient un rare moment où je pouvais concourir en tant que francophone. On y célèbre à la fois la performance, la culture et la langue. Cette dimension identitaire est précieuse.
Quels souvenirs gardez-vous de ces Jeux ?
J’en ai plusieurs, très présents à l’esprit. En 1994, après ma victoire, je me suis retrouvée à danser dans la rue avec des athlètes venus d’Afrique, des Caraïbes, d’Europe… Il y avait une chaleur humaine incroyable. Mais le souvenir le plus marquant reste sans doute ma victoire à Ottawa, en 2001. Courir devant un public canadien, voir les drapeaux se lever pour moi… C’était plus qu’un moment de sport, c’était une émotion brute.
Comment le sport est-il entré dans votre vie ?
J’ai eu un accident à 13 ans dans la ferme familiale, qui m’a rendue paraplégique. À cet âge-là, on cherche surtout à retrouver une forme d’autonomie. Le parasport est venu plus tard, autour de 18-19 ans. J’ai eu la chance d’être entourée de figures inspirantes comme Rick Hansen ou André Viger. Et puis il y a eu un moment décisif : les Jeux paralympiques de Séoul, en 1988. Pour la première fois, ils se tenaient dans la même ville que les Jeux olympiques. J’ai compris que je voulais, moi aussi, faire partie de ce mouvement.
Votre carrière a-t-elle été guidée par un désir de faire avancer la cause des para-athlètes et de favoriser leur inclusion dans le sport ?
Au départ, pas du tout. Mon seul objectif, c’était de performer, comme tout athlète. Mais j’ai vite réalisé qu’en étant à la fois femme et en fauteuil roulant, chaque victoire devenait un acte symbolique. C’était un message envoyé aux médias, aux institutions, au public : “Regardez-nous, on est là, on excelle. Mes performances sont devenues des prises de parole silencieuses, mais percutantes.
Quels sont les combats que vous menez aujourd’hui ?
L’inclusion reste centrale dans mon engagement. Il y a encore trop de jeunes, notamment des filles, qui n’ont pas accès au sport. Et puis, il y a une autre urgence : la santé des jeunes. L’inactivité, l’hyperconnexion, la mauvaise alimentation… Ce sont des défis majeurs. Le sport est un formidable outil d’émancipation. Il m’a donné confiance, autonomie, énergie. Je veux qu’il puisse jouer ce rôle pour d’autres.
Quel rôle les Jeux de la Francophonie ont-ils joué dans cette dynamique d’inclusion ?
À une époque où l’inclusion n’allait pas de soi, ces Jeux ont été parmi les premiers à intégrer des sports paralympiques. C’était audacieux, presque révolutionnaire. Ce simple geste disait : “Vous faites partie de cette grande famille.” Pour moi, y participer, c’était à la fois concourir et soutenir une cause. Ces Jeux ont vraiment contribué à faire bouger les mentalités autour du parasport. Et ils continuent à le faire.